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Série sur les nouveaux enjeux économiques : Exercer son leadership dans une ère de perturbations (LPL1-V10)

Description

Cet enregistrement d'événement porte sur les principales idées soulevées tout au long des séances de la Série sur les nouveaux enjeux économiques afin de permettre un examen de leurs implications pour la nouvelle économie, qui se définit par l'accélération du changement et une complexité croissante.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:30:56
Publié : 13 janvier 2022
Type : Vidéo

Événement : Série sur les nouveaux enjeux économiques : Exercer son leadership dans une ère de perturbations


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Série sur les nouveaux enjeux économiques : Exercer son leadership dans une ère de perturbations

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Transcription

Transcription : Série sur les nouveaux enjeux économiques : Exercer son leadership dans une ère de perturbations

[Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada se dessine sur un fond violet. Les pages tournent, et le logo s'ouvre comme un livre. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre qui ressemble aussi à un drapeau, sous lequel se dessinent des lignes ondulées. Le texte « Webcast | Webdiffusion » s'affiche à côté du logo. Le texte s'efface et est remplacé par un appel vidéo entre quatre personnes. Dans le panneau supérieur gauche, un homme arborant une barbiche, Mark Schaan, porte un casque d'écoute dans une pièce éclairée par une fenêtre. Dans le coin supérieur droit, un homme chauve avec une barbe taillée et des lunettes, Taki Sarantakis, est assis dans sa bibliothèque personnelle. Dans le panneau inférieur gauche, une femme aux cheveux gris et aux lunettes rouges, Armine Yalnizyan, est assise devant une collection d'albums sur des étagères. Dans le coin inférieur droit, un homme aux cheveux blancs et clairsemés, Rohinton Medhora, est assis devant un fond blanc sur lequel sont répétés les mots « Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale ».]

Taki Sarantakis : Bienvenue au dernier volet de la Série sur les nouveaux enjeux économiques, un partenariat entre le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI), l'un des principaux groupes de réflexion au Canada, et l'École de la fonction publique du Canada.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'il est de l'École de la fonction publique du Canada.]

Ce dernier événement de la Série est de nature informelle. Il s'agit simplement de récapituler avec quelques réflexions et de discuter avec quelques personnes de certains des grands enjeux qui attendent le Canada. Cette série a connu une participation remarquable. En moyenne, plus d'un millier de personnes ont assisté à chacun des neuf événements de fond avant aujourd'hui. Nous avons actuellement plus de 500 personnes en ligne. Il est vraiment encourageant de voir les fonctionnaires fédéraux du Canada prendre le temps de réfléchir à certains des enjeux auxquels ils seront confrontés dans leur emploi actuel, dans leur prochain emploi ou au cours de leur carrière au service des Canadiens. Je suis vraiment satisfait aujourd'hui. Nous avons trois invités. Nous allons procéder un peu différemment cette fois-ci.

[Les autres panélistes reviennent à l'écran.]

Nous allons commencer par une discussion informelle entre Rohinton Medhora, président du CIGI, et moi. Je vais vous le présenter officiellement dans un instant. Environ 15-20 minutes plus tard, Mark Schaan, que je vous présenterai aussi officiellement, et Armine Yalnizyan, l'une des économistes les mieux connues au Canada, se joindront à nous. Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, c'est elle qui a inventé le terme « She-cession ». Si vous avez entendu cette expression, reprise par la ministre des Finances, des sous-ministres et la pléthore habituelle d'experts des médias, elle en est la source. Nous discuterons aujourd'hui de récession au féminin avec l'auteure de l'expression.

[Armine secoue la tête et articule silencieusement : « Je ne le suis pas. »]

Je vais commencer avec Rohinton. Rohinton est président du CIGI, qu'il a joint en 2012. Ses domaines d'expertise sont la politique monétaire et commerciale, les relations économiques internationales et l'économie du développement. Il siège actuellement à deux groupes d'experts internationaux directement liés aux travaux du CIGI. Le premier se penche sur la transformation économique mondiale, coprésidé par les prix Nobel Michael Spence et Joseph Stigler. Le second porte sur les nouvelles technologies en santé mondiales, parrainé par The Lancet et The Financial Times. Notre deuxième invité, qui se joindra à nous dans 15-20 minutes, est Mark Schaan. Il est sous-ministre adjoint associé des politiques-cadres du marché à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, où il pilote plusieurs dossiers stratégiques en lien étroit avec les thèmes clés que nous avons explorés tout au long de cette série. Mark a été très généreux; je ne sais pas combien de séances vous avez animées ou auxquelles vous avez participé, Mark, mais nous vous remercions parce que vous avez joué un rôle important dans cette série. Notre dernière participante, qui se joindra à nous en même temps que Mark, est Armine Yalnizyan, boursière Atkinson sur l'avenir des travailleurs à l'Atkinson Foundation. Elle mène des recherches collaboratives sur l'avenir des travailleurs en période de changement technologique. Nous vivons beaucoup de changements technologiques. Son travail porte sur les facteurs sociaux et économiques qui déterminent notre santé et notre bien-être. Elle a été économiste principale au Centre canadien de politiques alternatives de 2008 à 2017. Ce groupe de réflexion est aussi l'un des plus réputés au Canada.

Nous avons besoin de plus de groupes de réflexion au Canada parce que le monde est en train de changer à une vitesse folle. Beaucoup de pays dans le monde ont l'avantage et le soutien de gens qui se réunissent et discutent de questions appliquées comme dans notre discussion d'aujourd'hui. Félicitations à tous ces groupes de réflexion. Pour ceux d'entre vous qui ne font pas partie d'un groupe de réflexion ou qui songent à s'y joindre, peut-être pourriez-vous venir nous donner un coup de pouce, car le Canada a besoin d'idées. Rohinton, commençons. Rohinton, je vais d'abord parler, est-ce que Rohinton...

Rohinton Medhora : Je suis là.

Taki Sarantakis : Formidable. Parfait. Je ne vous voyais pas à mon écran. Désolé.

[Rohinton envoie la main.]

Rohinton, commençons par le début. Pourquoi avez-vous décidé de participer à cette série? Je sais pourquoi je voulais faire la série, mais je suis curieux de vous demander d'expliquer à l'auditoire pourquoi vous pensiez que c'était une bonne idée de faire une série d'événements et de thèmes autour de la notion de la nouvelle économie.

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'il s'agit de Rohinton P. Medhora du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale.]

Rohinton Medhora : D'accord, Taki. Je dois d'abord dire, pour commencer par la fin, à quel point cela a été un plaisir et un privilège de travailler avec vous, votre équipe et l'auditoire de l'École en général, en fait, ce remerciement contient les éléments de ma réponse. Nous vivons dans un monde axé sur le savoir et l'apprentissage et dans un monde où, comme vous le savez, et je suis certain qu'Armine confirmera, compte tenu de son travail, que l'apprentissage doit être continu. Nous n'avons pas le luxe de pouvoir obtenir un diplôme, puis travailler, pour ainsi dire.

À bien des égards, c'est le principe de l'existence de l'École du Canada, non? Perfectionnement continu, perfectionnement professionnel en cours de carrière, etc. Au CIGI, nous avons commencé il y a 20 ans, c'est en fait notre 20e anniversaire cette année, comme groupe de réflexion visant à combler des lacunes dans la gouvernance mondiale.

Il y a vingt ans, il y avait beaucoup d'importantes lacunes et il y en reste encore, mais la grande question était : comment rendre la gouvernance mondiale plus inclusive? Plus précisément, comment pouvons-nous impliquer les puissances dites émergentes? À l'époque, le monde était encore essentiellement un monde dirigé par le G7. Le G20 n'était encore qu'une vague notion dans l'esprit du premier ministre Paul Martin. Le CIGI était consacré à la création et à la compréhension du G20 au niveau des dirigeants.

Ensuite, après sa création en 2007-2008, à cause de la crise financière et non pas du grand travail accompli par les groupes de réflexion — ce sont les crises qui motivent ce genre de changements — la question est devenue : que devrait faire le CIGI maintenant, en quelque sorte, sans oublier ses racines? On y a réfléchi longuement et profondément. Compte tenu de mes antécédents professionnels auxquels vous avez fait allusion et de ceux de mes collègues et de mon conseil d'administration, nous nous sommes rapidement concentrés sur le fait que les nouvelles technologies, de façon générale, et l'ère numérique, plus précisément, soulèvent un ensemble de défis stratégiques pour lesquels, franchement, personne n'est particulièrement bien préparé. Il n'y a pas de pratique exemplaire. Ce n'est pas la même chose que de dire que nous ne devrions pas critiquer Mark et ses collègues pour ce qu'ils font, mais franchement, il n'existe aucune pratique exemplaire sur le terrain. Nous devons comprendre ce nouveau monde dans ses dimensions théoriques, puis le traduire en des choses pratiques sous forme de politique appliquée. Au cours des trois ou quatre dernières années, le CIGI a consacré la plus grande partie des travaux à différents éléments de la sécurité, de l'économie et des structures institutionnelles mondiales.

Une chose qui me frappe à ce sujet est la façon dont dans cet univers, plus que dans tout autre, le national et l'international s'imbriquent l'un dans l'autre. Une bonne politique commerciale finit par être quelque chose qui devrait idéalement être motivé par le bien-être national, le filet de sécurité sociale, le travail ou le renforcement des considérations démocratiques. Lorsque nous mettons tout cela ensemble, Taki, c'est à ce point que vous et moi nous sommes rencontrés. Je dirais il y a trois ou quatre ans à divers événements. Nous avons entamé une conversation et je pense que les meilleures relations commencent par ce lien humain et intellectuel. De fil en aiguille, nous avons rapidement réalisé qu'il ne suffisait pas de faire une ou deux conférences et qu'il ne s'agissait absolument pas de faire des présentations. C'est ce qui a mené nos collègues à créer cette série en 10 parties qui s'adressait aux fonctionnaires comme vous. Je suis émerveillé par le nombre de personnes que la série a attirées. Je crois qu'avec notre partenariat avec le CIGI qui s'occupe du volet de la recherche et avec l'EFPC qui nous aide à peaufiner les questions et les réponses et qui nous fournit ensuite un excellent public, nous sommes sur une bonne piste.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran.]

Taki Sarantakis : Merci. Rohinton, vous avez mentionné que le CIGI a 20 ans et que je suis au gouvernement depuis, je viens d'atteindre mes 24 ans.

Repensez à cette période il y a 20 ans, l'Internet commercial datait d'environ cinq ans. Facebook n'existait pas. Google avait, je pense, deux ans. Facebook, je ne suis pas sûr que ça existait. Amazon, je crois que c'était encore dans le garage de Jeff Bezos ou qu'il était sur le point de passer de son garage à un vrai bureau. Si vous pensez au monde dans lequel bon nombre d'entre nous se sont joints à la fonction publique, cela représente beaucoup de changements. Comme vous l'avez dit, Rohinton, vous ne pouvez pas continuer de compter sur vos compétences de départ et être efficace. Nous sommes tous ici parce que nous voulons être efficaces. Nous sommes tous ici parce que nous voulons servir la population canadienne et que servir la population canadienne avec les compétences que j'ai acquises il y a 24 ans, en 1997, dans le monde de 2021, ce n'est pas servir la population canadienne dans la dynamique du passé.

Je ne sais pas quand exactement dans le passé, mais à un moment donné, c'était : tu naissais, tu allais à l'école, tu avais eu un emploi, tu prenais ta retraite puis tu mourais. C'est maintenant très différent. Maintenant, c'est : tu vas à l'école, tu prends une pause, tu fais un stage de travail, un stage travail-études, tu retournes aux études, tu obtiens une maîtrise, tu fais quelques crédits d'études, tu te perfectionnes en ci et en ça, tu reviens en arrière, tu évacues des choses. Il est essentiel que les fonctionnaires qui sont en situation de confiance, de tutelle et de gérance des ressources publiques prennent le temps de se tenir à jour. Cela ne veut pas dire qu'il faut comprendre chaque tendance passagère. Cela ne veut pas dire que vous devez comprendre tout qui se passe dans le monde, parce que personne n'y arrive, mais il est important de rester curieux. Il est important que dans les domaines dont vous êtes responsable, que ce soit la sécurité, le transport, les services sociaux ou le bien-être de l'enfance, vous ayez à interagir constamment avec votre environnement. Votre environnement n'est pas seulement votre ministre, votre cabinet de ministre, les gens du BCP et ceux des Finances. Votre environnement est le monde réel. Si vous ne vous y attardez pas le moindrement, je dirais que vous n'êtes pas un bon fonctionnaire. Nous voulons tous être de bons fonctionnaires. Quelles sont certaines des choses que vous voyez survenir dans le monde, Rohinton, plus précisément? Je sais que je vois beaucoup de choses. Je suis curieux, quelles sont les deux, trois ou quatre grandes choses que vous voyez qui nous touchent? Non seulement qui nous touchent en 2021, mais qui continueront probablement d'avoir des ramifications après 2021 pour une génération ou deux.

Rohinton Medhora : Les ramifications ne sont pas toutes prévisibles et elles évolueront effectivement dans cette période. Il n'y a plus de points d'inflexion dans le sens que chaque point d'inflexion mène à un autre. Sur l'enjeu que vous avez soulevé, Taki, au sujet du changement survenu seulement depuis que le CIGI a été fondé, vous avez dressé un portrait impressionnant. En fait, je suis d'accord avec vous, mais c'est encore pire. Permettez-moi de vous donner deux exemples de ce que je veux dire par là. Dans l'univers du CIGI, celui de la gouvernance internationale, vous avez dit, il y a 20 ans, Facebook existait-il? La majeure partie de l'architecture internationale que nous examinons a été créée en 1944 et 1945 à San Francisco et à Bretton Woods. Imaginez maintenant à quoi ressemblait alors le monde par rapport à ce que nous avons connu. Le changement technologique signifiait quelque chose de complètement différent. Changements climatiques. Je ne sais même pas si l'expression... je n'ai pas fait une de ces recherches sur Google sur la façon dont un terme évolue, quand il est utilisé et ainsi de suite, mais je doute que ce terme ait existé de façon significative. Nous avons une architecture qui a légèrement évolué, mais franchement, pas tellement. Des institutions qui n'étaient pas conçues pour une génération antérieure, mais depuis environ deux générations.

Le deuxième exemple que je vous donnerais de mon propre univers est celui de l'économie et de l'économie universitaire. Nous enseignons encore l'économie comme si les consommateurs et les producteurs étaient rationnels, le comportement est rationnel, comme si nous possédions ce qu'on appelle une information complète, des marchés largement, sinon absolument, en mode concurrentiel, un comportement stratégique et la politique existent à peine, et après avoir construit cet édifice, tout le reste est une exception. Maintenant, j'arrive à votre question : à quoi fait-on face? Tout ce qui nous attend fait exception à la façon dont nous créons des générations d'étudiants en sécurité, en économie ou en affaires. Je pense que nous devrions nous intéresser principalement à quel type de citoyen et d'étudiant créons-nous grâce à nos systèmes éducatifs et autres pour ce nouveau monde? Je pense que c'est le grand défi auquel nous faisons tous face. Dans ce contexte, et je m'arrêterai sur ce point, je pense que la discussion actuelle que nous avons sur les vaccins et l'accès aux vaccins, en fait, vous avez fait référence à la désignation par Armine de son concept de récession au féminin. Le fait est qu'il s'agit d'un enjeu de santé, mais que les clivages suivent entièrement des lignes socioéconomiques standards.

Toutes les questions auxquelles nous sommes confrontés ont un précédent : quel type de système d'innovation a généré ces vaccins? Il ne suffit pas de dire, achetons-en et donnons-en le plus grand nombre possible. Je crois que nous serons dans une ère où l'innovation sera déséquilibrée et pas aussi décentralisée qu'elle devrait l'être pendant un certain temps. De nouvelles technologies se créeront dans seulement quelques régions du monde, et la PI y concentrera d'énormes richesses. Je pense que le grand défi pour la politique sera de rendre ce système plus équitable, plus décentralisé, et de créer des mécanismes politiques dans lesquels la richesse créée n'est pas centralisée de la même manière. Il y a aussi des répercussions sur les marchés du travail et sur la façon dont nous concevons les filets de sécurité sociale que nous pourrions aborder, mais je pense, pour employer un terme galvaudé, que nous devons penser en termes de nouveau paradigme et non en modifiant légèrement un paradigme existant. Je pense que c'est là que nous en sommes. Je vais m'arrêter là. Il n'y a pas tellement de différence dans la compréhension ou la gestion des changements climatiques ou de la pandémie. Certains enjeux centraux relatifs à la PI, à la réflexion à long terme et au comportement stratégique demeurent les mêmes. C'est là, je pense, le défi pour vos étudiants, comme vous le dites pour une génération ou deux.

Taki Sarantakis : Je vais élaborer un peu. Je vais essayer de présenter certains des thèmes que vous avez abordés de façons légèrement différentes. Je pense que l'une des premières choses dont vous avez parlé est qu'il y a des institutions et des problèmes, et que nos institutions ont été conçues dans le passé et que les problèmes sont d'aujourd'hui. Nous savons qu'il y a toujours des retards institutionnels, mais l'une des caractéristiques de ce qui se déroule actuellement est que la rapidité avec laquelle les choses évoluent dépasse complètement la capacité des établissements à s'adapter en temps réel. Nous commençons à bouger, nous ne commençons pas à bouger, nous sommes dans un monde de données exigeant des réactions en temps réel et nous ne pouvons pas travailler dans des institutions qui prennent des semaines pour transmettre de l'information aux décideurs ou à l'usine.

Numéro un : les choses évoluent rapidement. Un autre point fondamentalement important pour moi, c'est que si vous êtes dépassé aujourd'hui par la Chine, le numérique, les données et l'intelligence artificielle, l'évolution est à son rythme le plus lent que ce que vous connaîtrez d'ici le reste de vos jours. Maintenant. Le monde ne ralentira jamais. Le haut débit ne va pas empirer. L'intelligence artificielle ne deviendra pas moins intelligente. Après le 5G, simple supposition, je pense qu'on pourrait avoir le 6G. Après le 6G, il pourrait y avoir le 7G. Rien ne s'arrêtera. Toutefois, je crois que le temps écoulé entre une chose et la réaction institutionnelle à la chose se comprime au point que nous devons presque travailler en temps réel. Je crois que nos successeurs dans la fonction publique abandonneront le presque et devront travailler en temps réel.

La deuxième chose que vous nous avez dite, c'est que le national et l'international s'imbriquent. C'est une réflexion vraiment intéressante parce qu'à l'échelle nationale, nous avons un ensemble de mécanismes pour servir notre pays et ensuite à l'international, nous avons un deuxième ensemble de mécanismes pour servir notre pays à l'extérieur de nos frontières. Je ne suis pas certain que ce soit optimal pour l'avenir.

Un troisième point que vous avez soulevé est que nous pensons aux choses comme étant de nature économique, sociale, ou relevant du travail ou du capital. Ces distinctions sont de moins en moins utiles. En fait, ces distinctions nous amènent à voir le monde d'une manière qui n'existe pas réellement. C'est-à-dire que la façon dont vous percevez un problème et dont vous interagissez avec ce problème définit la façon dont vous commencez à tenter de le régler. Si on voit un virus comme un problème de santé, on réagit d'une façon. Si vous voyez ça comme un problème économique, vous réagissez d'une deuxième façon. Si vous le percevez comme un problème de sécurité, vous réagissez d'une troisième façon. Si selon vous il s'agit d'un problème national, vous réagissez d'une quatrième façon. Si vous croyez qu'il s'agit d'un enjeu international, vous réagissez d'une cinquième façon. Ce qui se passe, c'est que la façon dont nous abordons les enjeux revient presque à ce que vous avez dit au sujet des manuels économiques qui ne sont plus représentatifs. Nos mentalités n'ont pas changé aussi rapidement que les problèmes ont changé. Est-ce une bonne façon de le dire?

Rohinton Medhora : C'est très bien exprimé. Je veux avancer un argument et connaître votre réaction, parce que, encore une fois, cela concerne votre École. Je ne suis pas un grand partisan de la généralisation et des programmes hybrides. Je préférerais avoir une solide formation dans une discipline, n'importe laquelle, qu'il s'agisse d'économie, de sciences politiques, de socio-quelque chose, et je comprends que ce n'est qu'une façon de percevoir le monde. Le monde réel regorge d'enjeux et non de disciplines. J'applique mon apprentissage profond de l'économie à un problème et je fonctionne mieux lorsque je suis avec une équipe, ou quelqu'un d'autre, et que nous mettons en commun nos perceptions. Ce qui est, je pense, la nature des gouvernements. La question est la suivante : comment enseignez-vous aux gens à réfléchir au-delà de leur discipline? Je ne suis pas sûr que les écoles, les universités ou les collèges sont bons dans ce domaine. Je crois que la force des écoles au Canada et surtout en France et ailleurs, ces écoles de perfectionnement pour fonctionnaires, l'éducation continue, c'est là que l'on acquiert cela. Je crois qu'une chose que nous avons essayé de faire avec vous dans cette série est de réunir ces différentes perspectives disciplinaires et de nous appliquer à des données sur un enjeu, pas autant que l'aspect économique des données en soi. Je sais que c'est un énorme défi pour vous, mais la façon dont vous le faites et dont vous avez organisé cette discussion a été très impressionnante. Si je comprends bien certains des commentaires que vous avez reçus des participants, c'est qu'il y a quelque chose que l'EFPC fait bien, c'est-à-dire qu'elle réunit ces différentes spécialisations et qu'en regroupant différentes spécialisations, ce n'est pas la même chose qu'avoir trois généralistes à bord.

Taki Sarantakis : Merci. Nous accueillerons Armine sous peu dans notre conversation, parce que bon nombre des thèmes dont vous avez parlé portent sur l'avenir du travail. Dans ce cas particulier, nous parlons de l'avenir du travail des fonctionnaires, des responsables des politiques, des responsables des programmes, des responsables de la sécurité, entre autres. En fait, votre propos est l'avenir du travail. De mon point de vue, j'entrevois certains développements. En premier lieu, je crois que nous avons tous besoin d'un apprentissage profond dans quelque chose. Je ne veux pas dire une spécialisation, mais je veux dire un apprentissage profond, que ce soit pour apprendre à lire, à écrire, à réfléchir ou à faire des mathématiques. Nous avons besoin de quelque chose que nous n'avons pas maîtrisé, mais de quelque chose dont nous avons une excellente compréhension parce que c'est notre référence. Ensuite, il y a quelques autres points.

Le premier est la distinction entre l'apprentissage et la formation. Pour moi, il est essentiel que la chose la plus importante que vous réalisiez dans la vie soit que vous n'ayez jamais fini d'apprendre. La façon dont vous apprenez est une compétence qui vous distinguera de votre voisin à l'avenir. Apprendre, pour revenir à ma distinction, est quelque chose que j'aborde toujours comme votre prochain emploi. Apprendre est quelque chose qui facilitera votre carrière. L'apprentissage vous aidera en tant que fonctionnaire, mais cela ne vous aidera pas nécessairement en tant que EX-02 à Transports Canada, AS-07 à l'Agence de la santé publique, ou quoi que ce soit. Je crois que la formation est précisément ce qui vous aide à faire votre travail actuel, ce que vous faites en ce moment. Comment devenir un meilleur AS-07 à l'ASPC? Comment devenir un meilleur EC-04 à Transports Canada? À mon sens, nous avons besoin des deux. L'apprentissage est sorti de la classe et c'est maintenant quelque chose que nous devons faire pour le reste de notre vie.

C'est un peu la patine que nous et la nouvelle équipe de direction de l'école avons prise en charge. Si vous ne faites que de la formation, c'est formidable. Il faut faire de la formation. Si vous ne faites que de la formation, tout ce que vous faites est de vous assurer que peu importe le chariot à cheval que vous construisez maintenant, demain, vous construirez un meilleur chariot à cheval, plus efficace et un peu moins cher. En plus de la formation, il faut commencer l'apprentissage. L'une de nos séries est celle du CIGI. Nous en avons également une autre avec l'Institut canadien de recherches avancées. Nous avons une autre série avec l'Institut Schwartz Reisman sur l'intelligence artificielle. Nous en faisons une autre avec l'École Munk. Nous sommes en négociation avec quelques autres établissements que je ne peux pas nommer parce que tout n'est pas encore bouclé. Nous voulons commencer à exposer les fonctionnaires non seulement à la formation (c.-à-d. ce dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur emploi aujourd'hui), mais aussi à ce qu'ils ont besoin d'apprendre pour évoluer en tant que fonctionnaires du gouvernement du Canada.

[Les deux autres fenêtres vidéo reviennent à l'écran; Mark et Armine sont sur la rangée du bas. Les panneaux se remettent en place et Mike se retrouve sur la rangée du haut.]

Nous accueillerons maintenant nos deux autres illustres invités, Mark et Armine. Armine, commençons par vous. Vous êtes l'un des plus grands cerveaux du Canada en matière d'avenir du travail. D'une certaine façon, Rohinton et moi avons parlé de l'avenir du travail. Nous avons parlé de l'avenir du travail dont vous avez besoin entre vos oreilles. C'est-à-dire vos connaissances, vos compétences et votre façon d'interagir avec le monde et avec les idées. Parlez-nous un peu de certains des grands thèmes que vous observez dans l'avenir du travail et de la situation actuelle du Canada, et peut-être de ce qu'il doit faire pour mieux se positionner qu'il ne l'est aujourd'hui, pas que ce n'est pas un bon positionnement, relativement parlant.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'elle est titulaire de la bourse de recherche Atkinson sur l'avenir des travailleurs.]

Armine Yalnizyan : Je ne vais pas dire quoi que ce soit que la majorité de votre auditoire n'a pas déjà entendu à propos du numérique. Je vais probablement parler un peu de l'immigration et du vieillissement de la population, auxquels certains pensent lorsqu'ils réfléchissent à l'avenir du travail, et ce à quoi la plupart des gens ne pensent pas. Laissez-moi vous exposer une petite idée contextuelle. J'ai commencé à travailler comme économiste du travail en 1985. Toute ma vie, j'ai composé avec des excédents de main-d'œuvre et avec ce que cela signifie pour les politiques publiques, comment les politiques publiques réduisent des niveaux élevés de chômage et d'inégalité. Lorsque vous perdez votre emploi, comment revenir au travail? Comment recycler des travailleurs? Comment procéder au réaménagement du marché du travail? Comment pouvons-nous offrir un soutien du revenu? Pour les 25 ou 30 prochaines années, en raison du vieillissement de la population, nous pouvons prévoir de deux décennies et demie à trois décennies de pénurie de main-d'œuvre. Ça commençait à se manifester avant que la pandémie ne frappe. Nous commençons à le constater en pleine pandémie des deux côtés de la frontière, où essentiellement, les employeurs ne peuvent pas inciter les travailleurs à revenir à des emplois poches. Il n'y a tout simplement pas assez de travailleurs prêts à accepter le risque ou à faire le travail pour un salaire aussi bas.

Le pouvoir de négociation commence à se déplacer. En fait, hier, les réunions du G7 de l'autre côté de l'Atlantique ont donné lieu au consensus de Cornwall et la recommandation 8 porte sur les normes du travail, l'harmonisation des normes du travail. Il se passe quelque chose dans le monde du travail qu'aucun d'entre nous qui travaillons n'avons connu, peut-être même du jamais vu. Nous avons connu une très courte période de pénurie de main-d'œuvre lorsque le baby-boom s'est produit. Ça a duré environ quatre ou cinq ans. Nous arrivons maintenant à une période de deux décennies et demie à trois décennies de ratio de dépendance élevé, où nous demandons à la plus petite cohorte d'âge actif de l'histoire d'améliorer la qualité de vie, non seulement pour elle-même et sa famille, mais aussi pour tous ceux qui sont trop jeunes, trop âgés et trop malades pour travailler. Il se passe quelque chose de vraiment gros. Non, les robots ne mangent pas tous les emplois. Nous allons connaître des pénuries généralisées de main-d'œuvre et de compétences. Cela m'amène à la question, quel est le lien avec le travail de la fonction publique au Canada?

Quand vous m'avez présentée, certains de vos participants savaient que j'ai été conseillère principale en politique économique du sous-ministre d'Emploi et Développement social Canada, de 2018 à 2019. Un de mes dossiers était l'avenir du travail. Pendant que j'étais là, j'essayais de dire, vous devez collaborer plus étroitement avec IRCC. Ce que j'ai appris lorsque j'étais au BSM, c'est que tout le monde reste dans sa voie. Vous parlez d'apprentissage? Oui. Bien, mais il vous faut en fait une approche pangouvernementale de ce problème de pénurie de main-d'œuvre et de compétences. Autrement, EDSC va ramer dans une direction et IRCC va ramer dans une autre direction, ce qui se passe au Canada depuis 2006. Nous n'aurons pas assez de gens pour combler les pénuries de main-d'œuvre et de compétences qui commencent déjà à se manifester, particulièrement dans les endroits dépeuplés. Les gens auront encore besoin de services publics de base. On envisage plus d'immigration. L'immigration se décline en deux saveurs : permanente et temporaire. Le temporaire éclipse le permanent depuis 2006. Il n'y a pas eu de discussion de politique publique à ce sujet. C'est ce qui s'est produit parce que les employeurs ont dit ne trouver personne pour faire ce travail (à ces salaires) dans bien des cas. Dans d'autres cas, il s'agit d'une pénurie de compétences tout à fait légitime, mais sans plan sur la façon dont nous transmettons ces compétences à des résidents canadiens. Venez ici et faites le travail. Maintenant, vous pouvez repartir. Nous créons une main-d'œuvre nomade mondiale hautement qualifiée, sans transmettre ces compétences. Nous devons mieux gérer cet élément de l'avenir du travail. Je vais m'arrêter là pour le moment.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran pendant quelques instants. La fenêtre vidéo d'Armine se joint à la sienne.]

Taki Sarantakis : Vous avez brillamment illustré un point clé de ce à quoi Rohinton et moi nous arrivions dans un sens plus général plus tôt. Si vous prenez simplement le point que vous venez d'expliquer, c'est-à-dire des données démographiques, l'ensemble de notre série de politiques publiques dans le monde occidental et probablement dans la majeure partie du monde oriental repose sur la population qui va dans un sens,

[Taki pointe en diagonale vers le haut.]

et non dans l'autre.

[Il pointe en diagonale vers le bas.]

Nous consacrons notre temps à réfléchir aux garderies et aux écoles primaires et peu de politiques publiques ont été axées sur le vieillissement et sur les soins de santé liés au vieillissement. Dans certaines sociétés maintenant, la Corée du Sud en fait partie, il se vend plus de couches pour adultes que de couches pour nourrissons. Pensez-y un instant dans l'auditoire. Le fait que nous vieillissons touchera tout ce que vous faites. Notre population croît beaucoup plus lentement que pendant notre génération. En fait, si ce n'était de l'immigration, nous serions en fait en train de rétrécir comme pays. La population d'une grande partie du monde commence à diminuer. La Chine commence en fait à diminuer. Certains démographes disent que la population des États-Unis pourrait éventuellement dépasser celle de la Chine parce que cette dernière est hors-jeu sur le plan démographique. Vous avez vu qu'au Japon, avec une société vieillissante, si ce n'était de la robotique et des choses comme ça, ils auraient des défis fondamentaux dans la vie quotidienne.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Mark, tu as un titre vraiment cool. Traduisez votre titre en français pour nous. Que faites-vous exactement? Quelle est votre responsabilité? Je pense qu'une grande partie se rattache à ISDE, mais dites-nous en français comment.

Mark Schaan : Ce sont mes prédécesseurs à mon poste qui ont décidé que nous serions la première boîte de politiques stratégiques en ville à se transformer de boîte de politiques stratégiques en boîte de stratégie.

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'il est d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada.]

La stratégie et la politique d'innovation nous définissent. En théorie, nous ne sommes pas censés être simplement stratégiques en matière d'innovation. Nous sommes censés élaborer une stratégie pour faire croître la nature novatrice et inclusive de l'économie. Mon travail est un mélange un peu bizarre de coordination, d'intégration et des efforts habituels pour comprendre où se situe la micro-économie, où elle va et comment nous la façonnons potentiellement. Ensuite, quelques responsabilités très précises en matière de télécommunications, d'Internet, de propriété intellectuelle, de confidentialité, de protection des données, de faillite, d'incorporation et de concurrence. Il faut aussi intégrer les gouvernements fédéral, provincial, territorial, régional et international à ce mélange pour faire un tout. En ce qui concerne vos points précédents et ceux de Rohinton concernant la nature interconnectée et interdépendante de l'élaboration des politiques, nous avons cette responsabilité au sein du portefeuille. Je peux vous le dire, il ne s'agit pas seulement d'une exigence du portefeuille ces temps-ci de percevoir ces liens et ces interconnexions. Il s'agit en fait de l'ensemble du gouvernement et peut-être même de l'ensemble de nos cerveaux que nous pouvons mettre à contribution.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran.]

Taki Sarantakis : Je crois avoir vu le mot marché dans votre titre et je crois avoir vu les cadres du mot, mais je ne suis pas sûr. Est-il juste de dire que vous, votre groupe et d'autres employés d'ISDE réfléchissez aux choses mêmes dont Armine et Rohinton et moi parlons en ce qui concerne l'élaboration d'une politique sur les télécommunications qui s'adapte ici et l'élaboration d'une loi sur la concurrence qui fonctionne ici et l'examen du fonctionnement du contenu canadien dans cette industrie ou dans une chaîne d'approvisionnement? Est-ce que je vois juste?

[La fenêtre vidéo de Mark se joint à celle de Taki.]

Mark Schaan : C'est tout à fait juste. Nous avons été structurés essentiellement pour superviser les cadres stratégiques, réglementaires et législatifs qui touchent l'économie de façon générale.

Les choses qui s'appliquaient à tout le monde et qui fonctionnent constituent un domaine particulièrement nouveau, intéressant, excitant et effrayant à un moment où ces choses dont vous parliez justement, tous ces éléments d'assise sur lesquels on pouvait compter, ont changé. Cela a des ramifications dans tout, de l'incorporation à l'insolvabilité et tout ce qui se passe entre les deux. Nous en voyons des manifestations fascinantes. Nous y voyons la transparence que nous devons apporter à l'égard de la constitution en société et de l'activité des entreprises, ce qui est totalement différent de ce qu'était la transparence il y a 20 ans, pour ensuite aller jusqu'à la toute fin de la durée de vie et quelque chose comme la politique d'insolvabilité. Il y a les tensions traditionnelles dans le domaine de l'insolvabilité, mais il y a toutes ces nouvelles choses, par exemple, quelle est la valeur d'un ensemble de données dans un contexte d'insolvabilité? Qu'arrive-t-il aux données recueillies par une entité qui veut maintenant se faire acquérir? L'acquisition de ces données était fondée sur le consentement avec l'entité précédente. Comment pouvons-nous régler ces questions? Il s'agit vraiment, d'une certaine façon, d'essayer d'établir des balises et des cadres, mais de reconnaître a) qu'ils ont besoin de fonctionner ensemble d'une manière totalement différente de ce qu'ils étaient auparavant et b) que les choses qui maintenaient le tout ensemble, les poteaux de la tente, étaient fixes jusqu'à un certain point, et qu'ils ne le sont plus.

Taki Sarantakis : Très bien dit. Maintenant, je vais faire quelque chose d'intéressant. Je vais vous proposer un mot et je veux que chacun d'entre vous me dise ce que ce mot signifie pour vous et votre travail.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Je vais commencer par vous, Rohinton. Le mot sera le même pour chacun de vous trois. Rohinton, tu es un peu désavantagé parce que tu es le premier. Le mot est innovation. Rohinton, que signifie innovation?

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

Rohinton Medhora : En fait, lorsque nous nous sommes penchés sur la question au CIGI et j'ai fait de même en ce qui concerne la gouvernance il y a quelques années, et j'en ai facilement trouvé des dizaines de définitions. L'innovation, la façon dont nous l'appliquons au CIGI, concerne le processus de changement et les différentes façons de faire les choses. Il ne s'agit pas seulement de changements technologiques. Je pense aussi à ce qu'on appelle l'innovation sociale. Le microcrédit est un bon exemple d'innovation sociale. L'innovation est un processus visant à changer notre façon de faire, qui est ensuite appliqué dans une situation réelle. Autrement dit, il y a différents éléments. Il y a l'invention, la découverte et l'évolution des processus de fabrication ou de production. Il y a ensuite le deuxième élément et je sais que c'est ce sur quoi Mark et ses collègues se concentrent. C'est soit la commercialisation, soit la création de valeur publique à partir de ce changement. Il ne suffit pas de découvrir un changement, de le breveter si vous le désirez ou non, ou de publier un article à ce sujet. C'est ce qu'on en fait. À mon avis, l'innovation est ce processus qui va de l'invention à l'impact.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Armine, qu'est-ce que l'innovation?

Armine Yalnizyan : C'est une façon originale d'aborder un problème existant. C'est une façon d'exprimer concrètement de l'imagination relativement à des choses qui n'existaient pas auparavant. Il s'agit de trouver un moyen de rendre cette idée, cette solution ou cette nouvelle chose accessible à un nombre suffisant de personnes pour qu'elle devienne une innovation parce qu'elle suscite une vague d'adoption.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Est-ce que nous nous débrouillons bien?

Armine Yalnizyan : Je pense que chaque nation a ses points positifs et négatifs, chaque société. Il y a toujours des forces conservatrices qui ne veulent pas voir de changements et des forces qui disent massivement que nous devons changer. C'est cet échange d'attaques et de parades entre les deux groupes, que ce soit public ou privé. Qui paie? Dans quelle mesure est-ce accessible? Qui paie quoi? Pour qui est-ce conçu? Les innovations ne sont pas toutes conçues pour tous les gens. Tout le discours de commercialisation de l'innovation donne l'impression que l'innovation concerne le monde des entreprises. L'innovation est pour les gens. Le monde des entreprises ne peut rien faire avec l'innovation, à moins qu'il n'y ait des clients pour la nouveauté. Ça concerne les gens. Si cela concerne les gens, qui peut alors participer à cette innovation? Quel est le prix de vente? Où se situe le marché concret? Comment accéder à cette innovation? Est-ce en ligne? Est-ce dans un endroit? Nous avons déjà connu de nombreux échecs sur le marché qui indiquent que même si vous avez commercialisé toutes ces innovations, vous ne réglerez pas le problème des échecs sur le marché. Parfois, nous avons besoin que le secteur public s'implique.

Mark m'a vraiment frappé en parlant des problèmes liés aux données et de la faiblesse du secteur public à s'attaquer aux données comme si c'était de l'eau. Nous parlons très bien des données comme si c'était du pétrole, un produit qui peut être monétisé et qui présente ensuite des problèmes pour la suite des choses avec ces données. Nous sommes vraiment terribles pour devenir aussi agiles dans l'utilisation des masses de données pour le bien public. Je pense que l'innovation a un côté de bien-être public autant qu'un côté commercialisable. On évoque à quel point nous sommes mauvais en commercialisation. Nous sommes encore pires pour ce qui est de tirer parti des cerveaux existants pour innover avec les données disponibles, tant du côté public que privé, et d'exploiter nos forces collectives en disant que ces données sont nos données et que nous ne les développons pas avec une politique publique en tête. C'est seulement celui qui peut courir le plus vite vers le but. Ce sera toujours une entreprise. C'est correct. C'est brillant de faire de l'argent avec ce genre de choses, mais cela ne fait rien pour combler nos lacunes publiques et, parfois, éthiques. Il faut aussi innover dans ce domaine. Nous sommes pires que dans tout autre domaine d'innovation, si vous voulez mon avis.

Taki Sarantakis : Je reviens sur l'analogie de Mark entre les données et l'eau, et je vais renchérir. Je dirais, les données, est-ce de l'eau, Mark? Je dirais que les données sont de l'oxygène, mais nous reviendrons aux données dans quelques minutes. Vous allez être le dernier à vous exprimer sur ce mot, Mark. Vous êtes désavantagé, mais vous serez ensuite le premier à commenter le mot suivant. Qu'est-ce que l'innovation?

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran.]

Mark Schaan : Je crois que nous avons abordé certains des éléments clés de l'innovation et peut-être certaines des prétentions ou tensions. Je pense qu'il y a un élément de l'innovation qui concerne la nouveauté. C'est quelque chose qui est inédit. Je pense que nous avons habituellement une façon obsessive d'aborder le nouveau, en le mettant en opposition avec l'ancien. C'est l'une des choses que j'essaie de tirer de l'innovation, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement un nouveau jouet technologique brillant que nous déployons d'une nouvelle façon. Il peut en fait s'agir de quelque chose que nous avons toujours fait d'une façon particulière, un ancien outil que nous utilisons d'une nouvelle façon pour obtenir de meilleurs résultats. Je pense que l'autre aspect est notre perception que toute innovation est nécessairement précieuse. Il y a certainement quelque chose de formidable dans la quête de la nouveauté pour voir si c'est possible, pousser sa créativité et l'intention en cause, mais un batteur à œufs ne donne pas un très bon sèche-cheveux, malgré le fait que la nouveauté pourrait faire penser qu'il s'agit d'une approche novatrice pour remuer de l'air afin de sécher vos cheveux. Je crois que nous devons faire très attention au principe que le fait que c'est nouveau ne signifie pas nécessairement que c'est valable, et le fait que c'est novateur ne signifie pas nécessairement que c'est bon.

Je pense que le dernier élément que je voudrais aborder au sujet de l'innovation est qu'en théorie, elle est censée soutirer plus de valeur que ce qui existait auparavant. Je pense aux questions d'Armine et à certaines des questions de Rohinton : qui a décidé ce qui était valable, en partant? Deuxièmement, pour qui est-ce valable? Il y aura certainement des éléments pour lesquels des améliorations des processus seront apportées, certains éléments peu sexy de l'innovation, mais certains des plus importants pour notre économie, pour notre valeur sociale et pour notre bien-être social. Ce n'est pas parce que cette innovation crée un meilleur bidule. C'est en fait parce qu'elle rend le système plus fonctionnel ou plus réalisable. Je pense que cela vaut vraiment la peine d'y réfléchir. Je crois que l'innovation est une nouveauté, avec un but, qui permet de soutirer une valeur qui, en fin de compte, peut être partagée. Ce que nous ne réussissons pas nécessairement, c'est de partager suffisamment cette extraction de la valeur à l'autre bout. Nous sommes souvent très bons pour ce qui est de la nouveauté. Je dirais que dans la fonction publique, nous avons en fait une obsession de la nouveauté, pour le plaisir de la chose, que nous devons probablement freiner pour faire plus de choses qui pourraient être des choses anciennes exécutées de nouvelles façons pour en tirer plus de valeur, parce que c'est en fait ce qui va créer un impact.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran avant que les trois autres fenêtres vidéo ne reviennent.]

Taki Sarantakis : Exactement. Dans mon organisation, j'ai interdit l'utilisation du mot innovation et la raison pour laquelle je l'ai interdit est que les gens disaient simplement : « C'est quelque chose de nouveau. Faisons quelque chose de nouveau. » De mon côté, je leur répondais : « Parlez-moi de valeur, sinon c'est sans intérêt ». Si vous me montrez qu'une nouvelle chose a plus de valeur que la chose qu'elle remplace, absolument, nous le ferons, et nous le ferons aujourd'hui. La nouveauté en soi n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Si vous créez de la valeur en faisant quelque chose de nouveau, grand bien vous en fasse. Notre deuxième mot, que nous allons commenter en ordre inverse, est une norme. Mark, que sont les normes et pourquoi sont-elles importantes?

Mark Schaan : C'est une question injuste, Taki, parce que le Conseil canadien des normes fait partie de mon portefeuille. Si je ne me trompe, ISDE va m'appeler une seconde plus tard pour me dire : « Ce n'est pas ça, Mark. »

Taki Sarantakis : D'accord. Alors, pensez-y bien.

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran.]

Mark Schaan : Une norme est une méthode convenue pour faire quelque chose ou penser à quelque chose. C'est ce que c'est fondamentalement. Pour revenir à mon point précédent au sujet des éléments qui en étaient des aspects, nous devrions nous demander : qui a décidé que c'était la méthode sur laquelle nous serions d'accord? Sommes-nous réellement tous d'accord? Il peut en fait y avoir des normes concurrentes. Je pense que les gens pensent à des normes comme, l'exemple le plus facile, nous avons une tension électrique uniforme, ce qui est vraiment utile. Les gens se disent, nous n'avons pas décidé de générer de la tension à différents taux. Il y a d'autres aspects. Lorsque j'habitais au Royaume-Uni, le papier n'est pas en fait normalisé à la même taille qu'au Canada. C'est une norme convenue. Dans le monde du format A4 contre le format lettre, nous n'avons toujours pas couronné de gagnant. Une norme fondamentale est un accord général sur une façon de penser ou de faire quelque chose.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Vous avez mentionné le Conseil des normes. À l'École, nous avons une autre série avec le Conseil des normes et Statistique Canada sur l'importance des normes. Armine, vous avez parlé de l'article 8 de l'événement récent en Europe, où ils traitent des normes du travail. Je vous pose la question : qu'est-ce qu'une norme et pourquoi sont-elles importantes?

Armine Yalnizyan : C'est quelque chose que nous acceptons généralement comme étant pertinent pour nous. Je suis d'accord avec tout ce que Mark vient de dire.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran.]

J'ajouterais que lorsque nous avons des normes généralement acceptées, les choses changent si nous les appliquons.

[La fenêtre vidéo de Taki s'affiche un instant avant de redonner la place à celle d'Armine.]

Deux observations sur les normes. Nous vivons dans un monde du « moi », pas dans un monde du « nous », et donc dans une production sur mesure que les technologies numériques permettent encore plus. Nous passons de la production et de la consommation de masse à une consommation de produit unique, une production sur demande et une consommation sur demande qui rendra l'infrastructure de production sous-jacente plus dépendante de la normalisation, mais avec une expérience concrète moins normalisée, ce qui pourrait rendre plus difficile l'établissement de normes pour lesquelles nous avons un consensus sur ce qu'il est valable de normaliser.

D'un autre côté, nous avons peut-être atteint la toute fin du mouvement de balancier en ce qui a trait au moi d'abord. L'article 8 du G7 qui met l'accent sur les normes m'a secouée, il ne fait que vous dire jusqu'où chaque pays du G7 s'en va avec l'exploitation des travailleurs, la montée des petits boulots, l'absence de normes et comment traiter avec les personnes qui ne sont pas réputées être des employés et qui ne peuvent donc pas accéder aux normes du travail. Si vous n'êtes pas un employé, vous ne pouvez pas être protégé dans vos droits humains ou vos droits en matière de travail, les droits des travailleurs. Nous avons vraiment des difficultés avec le manque de normalisation et la façon dont nous traitons les protections humaines les plus élémentaires.

Vous avez dit que l'ère des points d'inflexion est révolue. Je pense que nous sommes passés de l'autre côté du miroir. Je ne sais pas à quoi ça ressemble de l'autre côté, mais le monde que nous avons laissé derrière, le monde de Bretton Woods, n'est pas celui dans lequel nous évoluons actuellement. Comme je l'ai dit, j'ai entrepris mon travail d'économiste du travail au milieu des années 1980. Toute ma carrière a porté sur les accords commerciaux, les accords commerciaux codifiables et les accords commerciaux multilatéraux qui ont éclipsé tout le reste. Le Saint-Graal était la croissance fondée sur les exportations, et tous les pays s'y sont adonnés dans un esprit de moi d'abord, mais un moi d'abord appliqué par chacun d'entre nous. Ça n'a pas porté fruit. Ça n'a tout simplement pas porté fruit. Notre situation est meilleure en tant que consommateurs. Notre situation est pire en tant que travailleurs. Il y a plus d'inégalités. Il y a plus d'inégalités entre le Nord et le Sud. L'exploitation fait rage partout dans le monde. La pandémie a exacerbé la tendance et nous l'a révélée.

Les accords multilatéraux, qui portent sur des normes, des normes de comportement, des normes codifiables de comportement des pays entre eux, ne sont plus sur la table. Ils ne fonctionnent pas depuis des années. Je pense que ce que fait le consensus de Cornwall du G7 est de dire, nous sept nations, nous parlons d'un impôt minimum des sociétés de 15 %. Ce n'est pas un pacte commercial. C'est l'harmonisation des politiques. Il s'agit d'élaborer une nouvelle norme de consensus qui doit servir de base pour la fonctionnalité. Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère, non pas par des accords codifiables comme des pactes commerciaux, mais par des alignements de politiques qui s'apparentent à un rapprochement sur des normes, des normes de comportement pour le traitement des travailleurs et pour la manière dont les entreprises peuvent ou non se soustraire légalement aux impôts. Comment pouvons-nous rendre le système un peu plus équilibré pour établir qui profite des fruits de la croissance? C'est la phase que nous entamons. Les normes sont extrêmement importantes pour rééquilibrer le système.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : C'est un merveilleux complément. Rohinton, en quoi consistent les normes, et pourquoi importent-elles?

Rohinton Medhora : Comment pourrais-je dire mieux? Je crois aussi qu'il y a deux dimensions des normes qui méritent d'être rappelées.

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

Techniquement, les normes portent exactement sur des produits ou des processus différents qui peuvent communiquer entre eux. L'exemple courant est tout ce que vous faites d'un téléphone intelligent. Vous pouvez pratiquement entrer dans n'importe quel bâtiment dans le monde, ouvrir une session dans son système Wi-Fi et être sur Internet. C'est en raison d'une série de normes. Il y a deux choses qu'il ne faut pas oublier. Je pense que Michel Girard a soulevé ce point dans une section sur les normes il y a quelques mois. Elles ne concernent pas nécessairement la haute technologie. L'exemple classique des normes est la conteneurisation. Ce sont des normes régissant les conteneurs qui ont codifié la façon dont on emballe et on transporte les choses, un facteur de la mondialisation au moins aussi important que n'importe quel autre. Jusqu'alors, les navires embarquaient n'importe quoi à bord pour le déballer ensuite, et les conteneurs ont complètement changé la donne. Voilà un exemple de normes.

La deuxième dimension était implicite et en fait explicite dans beaucoup de choses qui sont dites. Ne faites pas l'erreur de penser que les normes sont techniques. Derrière les normes techniques, il y a une série de décisions concernant les critères et l'éthique qui doivent être élaborées pour discussion avant d'en arriver aux normes. Je pense que le volet normes du travail porte exactement là-dessus. Vous avez mentionné Joe Stigler au début, coprésident de la commission dont je fais partie. Lorsqu'il a fait quelques calculs sur ce à quoi pourrait ressembler un taux d'imposition commun des sociétés, il se rapprochait de 20/25 %. Une norme de 15 % est peut-être la nouvelle norme, mais elle ne dit rien sur les implications éthiques ou sociales derrière ces 15 %. La normalisation établit simplement que nous avons un tas de points disparates. Nous traçons une ligne autour d'eux pour en extraire une moyenne et tous les points devraient y être conformes. Nous ne nous demandons pas d'où sort cette ligne, qui la dessine et pourquoi. Je répondrais certainement à votre question par la réponse technique de la nature des normes, mais j'ajouterais que les normes comportent d'importantes dimensions normatives, que nous ignorons à nos risques et périls.

[La fenêtre vidéo de Taki remplit l'écran avant que les trois autres fenêtres vidéo ne reviennent.]

Taki Sarantakis : Je vais m'en tenir aux normes pendant une minute et je vais vous lancer quelques déclarations auxquelles vous voudrez peut-être réagir.

[Armine sourit.]

La première est que personnellement, je vois des normes partout. Rouge signifie arrêter. Jaune signifie traversez si c'est sécuritaire. Vert signifie allez-y. Je les vois partout. Quand je branche quelque chose, il y a une norme. Quand un gars vient chez moi et installe une nouvelle porte, vous avez deux options. C'est huit et demi ou neuf et demi ou peu importe le cas. Les normes sont partout. Je dirai ceci : les normes sont aussi une question de pouvoir, parce que si vous définissez la norme, vous rédigez en quelque sorte les règles. Je pense que l'une des façons de comprendre notre actuel — je ne veux pas appeler cela le chaos — mais les turbulences actuelles dans le monde ou les perturbations courantes sont en lien avec le fait que nous sommes vraiment en train de réécrire beaucoup de règles sur notre façon de vivre, de travailler, de commercer et de traiter l'immigration. Si vous pensez aux données, la personne qui rédige les normes relatives aux données aura un avantage. Si vous pensez à l'intelligence artificielle, qui rédige les normes de l'intelligence artificielle et son utilisation ou l'IA éthique ou ce que vous voudrez, et n'importe quoi dans le numérique ou ailleurs, ce sont des normes. L'une des façons dont vous pourriez comprendre notre époque est que nous sommes en train de réécrire les règles du monde qui ont été largement établies à certains égards importants, comme vous l'avez mentionné, Rohinton, pendant Bretton Woods et après la Seconde Guerre mondiale. Voici comment nous faisons les choses. Est-ce que chacun de vous pourrait réagir? Peut-être Armine, puis Rohinton et ensuite Mark.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran.]

Armine Yalnizyan : Non seulement réécrivons-nous les règles, mais il y a une vigoureuse compétition pour savoir qui va les écrire. Nous avons affaire aux FAANG : Facebook, Amazon, Netflix, et les autres, peu importe. C'est le groupe de cinq entreprises qui dominent les bourses partout dans le monde et qui entourent le globe de par leur nature, et elles réécrivent les règles de nos relations avec les travailleurs. Elles réécrivent les règles sur la façon dont nous traitons la taxation. Elles réécrivent les règles sur la façon dont nous réglementons la vie privée, dont nous utilisons les données et dont nous faisons de l'argent. Ce sont là d'immenses enjeux. Puis, il y a cette énorme résistance qui vient des gens, parfois dans la rue. Je m'attendrais à un débat très vigoureux sur qui écrira les règles à venir. Ce qui est intéressant, et la perspective dans la rue, c'est qu'il s'agit plus d'une question d'identité que jamais auparavant. Je pense aux années 50, 60 et 70, au mouvement des droits civiques, au mouvement des femmes, au mouvement des droits des gais. Tout était une question d'identité, d'être vu, de faire reconnaître sa réalité. Nous en sommes maintenant à Black Lives Matter et aux femmes autochtones assassinées et disparues. Quand Trump a fait ses commentaires à propos des femmes en 2016, en janvier 2017, il y a eu une marche mondiale des femmes pour dire, moi aussi. Assez, c'est assez. On ne peut plus déconner avec les femmes comme ça. Il y a cette énorme résistance, est-ce que je fais partie du portrait? Tu parles de moi, mais rien à propos de moi sans moi d'un côté, ce qui est le développement le plus massif que j'ai connu. Dans toute ma vie professionnelle, d'un côté, je n'ai jamais vu de mouvement de la part des gens comme j'en vois maintenant.

D'un autre côté, je n'ai jamais vu le degré de concentration et de pouvoir des entreprises qui existent également. Ajoutez à cela les fausses nouvelles. Ajoutez à cela des robots qui vous diront ce que vous devriez penser et qui ne sont même pas humains, mais qui brouillent et agitent les eaux pour savoir qui contrôle quoi dans le discours politique. Je pense que la situation va devenir très brûlante quant aux normes. En passant, j'ajouterais aux normes éthiques et normatives des choses comme des normes concernant, disons, est-ce que les déficits publics comptent? Quel devrait être le taux d'imposition des sociétés? Est-ce 15 %? N'oubliez pas qu'il y a quelques années à peine, il y a eu un débat très intense dans ma profession, l'économie, selon lequel les entreprises ne devraient payer aucun impôt parce qu'elles n'étaient pas des personnes. Et soudainement, ça s'est envenimé rapidement parce que c'est dans ce sens qu'évoluait la conversation. La légende du zéro, là où se dirigeait la norme, si vous laissez les économistes pousser dans ce sens. Nous voyions les taux d'imposition baisser depuis des décennies et des gens se sont demandé pourquoi les entreprises payaient quoi que ce soit. Je pense que l'idée de ce qu'est une norme est sujette à d'énormes tensions politiques. Nous allons assister à des discussions très vigoureuses sur ce à quoi sert l'économie, qui elle dessert, à quoi servent les gouvernements et qui ils desservent. En tant que fonctionnaires, vous avez du pain sur la planche.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Rohinton, votre réaction. Ensuite Mark, puis nous passerons à l'auditoire. Rohinton, votre réaction.

Rohinton Medhora : Je suppose que ce que je dirais à propos de votre question initiale, Taki, est qu'il y a une bataille de terrain en matière de normes à l'échelle internationale.

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

Et que les organismes de normalisation étaient principalement contrôlés par les États-Unis et certains pays d'Europe de l'Ouest. C'est ce qui leur a donné l'avantage au début du changement technologique et dans le cadre de la montée contestée de la Chine. Encore une fois, je crois que Michel aurait soulevé ce point lors de la conférence. La Chine a discrètement, délibérément et efficacement pris le contrôle de plus en plus de ces organismes de normalisation, et il y en a des dizaines. Il y a une concurrence géoéconomique très importante au sujet de l'établissement de normes technologiques à l'échelle mondiale, précisément parce que, comme vous l'avez dit, c'est la porte d'entrée. Le fait d'être propriétaire d'une norme ou d'en établir une est la porte d'entrée pour vous donner un monopole sur une autre façon de faire. Regardez la collection derrière Armine et pensez à Sony contre Betamax. C'était un exemple classique de normes. Vinyles et cassettes. Il y a ce côté-là dans le normatif. Absolument.

Les normes doivent provenir d'un certain sens de ce que l'on attend de la politique publique et de ce que l'on attend de la société. L'exemple que je donne va un peu au-delà de votre question, mais je vais le présenter puis m'en tenir à cela. La Chine, aux premiers stades de la pandémie, a été extrêmement efficace pour contenir la pandémie. Pourquoi? Parce qu'ils disposaient de mécanismes de suivi incroyablement solides qui comprenaient des applications et la télévision en circuit fermé, avec en complément des visites très intrusives dans les résidences des gens et la capacité de verrouiller les immeubles et de limiter les déplacements. Il ne s'agit pas d'un projet technologique Il ne s'agit pas d'applications. Ce n'est pas une question de télévision en circuit fermé. Il s'agit en fait de la société et des normes qui existent autour de ces technologies. C'est un aspect que je soulève tôt et souvent, et que je reprendrai. La technologie n'est pas exogène. Il ne s'agit pas d'une sorte de terme d'erreur dans une équation de croissance. La technologie est en fait endogène, et la façon dont elle est créée et utilisée est en fait un concept social. J'avancerais le même argument au sujet de la PI.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Absolument. De même, la technologie n'est pas neutre. L'un des penseurs canadiens les plus célèbres du siècle dernier, Marshall McLuhan, a dit que nous façonnons nos outils, puis que nos outils nous façonnent. J'aime beaucoup ce que vous avez dit, Rohinton, sur la façon dont les normes sont un peu ce que nous voulons voir dans la société. Mark, quelle est votre réaction?

Mark Schaan : Il y a tellement de directions différentes que l'on pourrait emprunter. D'une part, je suis tenté de parler un peu du monde formel de la normalisation, le monde dont Rohinton vient de parler, c'est-à-dire qu'il existe des règles officielles, des processus publiés et des instances engagées qui détermineront des éléments très importants de notre vie. Elles détermineront comment l'information sera normalisée, recueillie et partagée, un enjeu crucial. En même temps, nous allons au-delà d'une conception traditionnelle ou encadrée des normes pour aussi prendre en compte des critères, des règles, de la sémiotique, des codes et des lois.

Comme le disait Armine au début à propos de cette codification, il y a un continuum de codification. C'est tout, je dirais, en partant du pire, c'est-à-dire les accords inédits, non transparents et les plus louches selon lesquels c'est la façon dont le monde fonctionne, jusqu'à l'accord très transparent et très clair disant que rouge signifie arrêter. On a accepté, et même là on a des exceptions. Nous avons des exceptions, par exemple, si vous faites clignoter certains types de lumières et que vous faites des sons vraiment forts, vous n'avez pas à vous arrêter sur le rouge. C'est correct. Mais vous êtes censé regarder d'abord. Je pense qu'il y a certaines choses qu'il vaut probablement la peine d'éliminer. Nous avons soulevé la plupart de ces points. L'un d'eux est que ce n'est pas un exercice neutre.

Ce que vous optimisez en dit très long sur ce que vous valorisez et aussi sur qui vous valorisez et ce que vous tentez de tirer de cette démarche. Pour revenir à notre conversation précédente sur l'innovation, cette nouveauté pourrait avoir un impact. Pour qui cela a-t-il un impact? Je crois que le Conseil des normes a déjà dit que la personne qui rédige la norme établit les règles. Vous pouvez être celui qui définit la norme ou celui qui s'y conforme. Nous voulons être ceux qui établissent les normes, mais nous devons également décider de ce que nous optimisons. Toutes sortes de normes ont des conséquences imprévues. Il y a les anecdotes apocryphes hilarantes tentant d'expliquer pourquoi une grand-mère désossait le poulet et pourquoi cela rendait le poulet meilleur. Il s'est avéré que sa rôtisserie n'était simplement jamais assez grande pour y mettre le poulet entier. Cela n'avait aucune incidence sur la qualité du repas. C'était une fonction du choix que nous avons fait.

Pour revenir au point de Rohinton sur les conteneurs, il y a une raison pour laquelle la grande majorité des meubles ne dépassent pas telle largeur et telle hauteur. Nous devons nous assurer de bien comprendre ce que nous choisissons. Je pense qu'en ce moment, pour revenir aux données et à l'économie numérique, il se fait des choix fondamentaux sur ce pour quoi on optimise. Optimisons-nous par souci de simplicité ou par souci de confidentialité? Optimisons-nous pour des raisons de commodité ou optimisons-nous l'accès et l'adoption de masse? Toutes sortes de ces compromis fondamentaux. Je pense que nous devons déterminer de quoi il s'agit. Ça ne devrait pas être un exercice silencieux. Puis, une parenthèse personnelle pour revenir à la sémiotique et aux codes, le principe antérieur selon lequel j'avais besoin d'avoir une femme et de travailler de 9 à 5, et que c'est ce qui allait m'amener à être promu, est le genre de codes et de normes qui empêchaient un fonctionnaire queer comme moi de se sentir en sécurité et en confiance dans notre environnement. Veillons à garder les yeux grand ouverts face à ce processus, tant pour ce qui est de déterminer qui définit les normes, ce qu'ils définissent et ce que nous visons à optimiser, et quelles sont les conséquences concrètes.

Taki Sarantakis : Très bien dit, tous les trois. Vous dites tous que ce sont les règles. Les règles ne sont pas nécessairement neutres, mais elles déterminent aussi ce que nous voulons tirer de ces démarches. Le Canada veut être à la table de ces démarches. Le Canada veut être, comme l'a dit Mark, celui qui définit la norme et non celui qui s'y conforme. Nous avons des questions en attente de la part de l'auditoire. Je vais commencer à vous les relayer. Première question en attente : quels sont les avantages concurrentiels du Canada dans la nouvelle économie? Quelles politiques peuvent améliorer ces avantages? Qui veut commencer?

[Armine ouvre la bouche. Elle lève la main.]

Allez-y!

Armine Yalnizyan : Je vais parler du dossier du vieillissement de la population qui se manifeste partout dans le Nord.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran.]

Vous avez mentionné la Corée du Sud qui vieillit le plus rapidement. La Chine et le Japon ont aussi des populations vieillissantes. Essentiellement, les pays riches vieillissent. Nous serons tous en concurrence avec le Sud mondial. L'avantage comparatif du Canada est qu'il est un peu un aimant qui attire les gens et qu'il pourrait devenir un aimant plus puissant si nous modifions notre portefeuille de politiques pour appuyer, en particulier, les jeunes travailleurs et les jeunes familles. Nous avons de bonnes productions de main-d'œuvre. Nous nous assurons que chaque emploi est convenable. Je vais seulement soulever un point sur l'avenir du travail. Actuellement, avant que la pandémie ne frappe, l'économie des soins, que je définis comme à la fois santé et bien-être, est un ensemble, et l'éducation, un autre ensemble. Ces deux secteurs représentent à eux seuls 12,3 % du PIB. Le seul secteur rival qui contribue autant au PIB est l'immobilier, ce qui est tout à fait unique au Canada. En ce qui concerne le nombre d'emplois, il n'y a pas de secteur qui rivalise. Vingt et un pour cent des emplois. Il y a de beaux emplois dans l'économie des soins, et il y a des emplois absolument épouvantables dans l'économie des soins. Si nous faisons de chaque emploi un excellent emploi, non pas parce qu'il y aura plus de personnes âgées, mais parce que les moins âgés auront aussi besoin de beaucoup plus de soutien que le marché ne leur offre actuellement. Si nous faisons de chaque emploi un bon emploi. Et voilà! Bingo. Nous avons la classe moyenne solide, robuste et résiliente que le secteur manufacturier nous a donnée des années 50 aux années 70. Si nous le faisons, si c'est notre objectif de politique publique, nous devenons un aimant qui attire des gens du monde entier. Cet avantage comparatif n'est pas encore tout à fait là, mais il est à notre portée. On serait un des endroits où les gens veulent vraiment venir. Cela stabiliserait notre qualité de vie, et la relèverait.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : J'adore cette réponse, et je ne pense pas qu'une personne sur cent donnerait cette réponse. Pourtant, c'est tellement profond parce que ce que vous avez dit en gros, c'est que le Canada doit non seulement être perçu, mais aussi être un pays où les gens veulent venir, des gens qui ont des compétences, des gens qui ont du capital, des gens éduqués et, à certains égards, des gens qui ont des enfants, parce que c'est là que se jouera la concurrence.

Armine Yalnizyan : Puis-je simplement ajouter, le Canada n'a pas besoin de devenir un endroit où les gens veulent venir. Le Canada peut devenir, et doit devenir, un endroit où les gens s'épanouissent, qu'ils soient nouveaux arrivants ou qu'ils soient nés ici, qu'ils soient autochtones ou immigrantes, femmes, allosexuelles. Peu importe qui vous êtes, vous pouvez vous épanouir. Votre potentiel humain est maximisé. La fonction d'optimisation concerne le potentiel humain, le potentiel d'apprentissage et le potentiel de gains. Nous devons stimuler l'économie de bas en haut. Les conditions sont en fait en place pour que tout cela se produise, mais le secteur public doit intervenir dans la brèche créée par le marché, réduire les inégalités et accroître les possibilités et les résultats pour tous. Vous devez le faire de bas en haut. Vous ne pouvez pas le faire du haut vers le bas.

Taki Sarantakis : J'adore cela parce que pendant très longtemps, presque toute l'histoire, les gens étaient un peu considérés comme des produits de base et la technologie faisait la différence. De plus en plus de technologies deviennent omniprésentes et ce seront les humains qui seront à l'avenir le différenciateur. Mark, quelle est votre contribution, dans quoi sommes-nous bons? Quel est notre avantage comparatif?

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran.]

Mark Schaan : Notre ministère s'est souvent fait critiquer chaque fois que nous essayons de définir ce que nous considérons comme des avantages comparatifs, parce que personne n'aime ne pas faire partie des premiers choix. Je parlerais peut-être de certaines conditions ou de certains des principes pour lesquels nous détenons un avantage comparatif. Nous avons un avantage comparatif dans quelques zones. L'un d'eux est notre capacité d'établir les conditions du marché qui peuvent nous différencier, tout en permettant une mise à l'échelle constante. Un bon exemple, peut-être plus traditionnel, puis un exemple un peu plus nouveau. L'exemple traditionnel est le suivant : nous avons appris en cette pandémie, l'une des fractures importantes de notre composition sociétale et économique concernait notre sécurité d'approvisionnement et notre souveraineté sur un certain nombre d'éléments centraux que nous avons jugés essentiels. Tout d'abord, pour ce qui est du point qu'Armine a soulevé plus tôt, je suis fasciné par la rapidité et la mesure dans laquelle nous devrons nous accrocher à certaines des transformations qui ont eu lieu ces derniers temps. Personne ne percevait le commis d'épicerie comme le travail le plus essentiel de l'économie, avant la pandémie. Je crois que nous avons tous appris à quel point cette fonction était importante lorsque nous nous sommes croisés en quête de papier de toilette.

Nous avons un besoin et une capacité réels dans des domaines comme notre secteur de la production alimentaire.

[La fenêtre vidéo d'Armine s'affiche un instant. Armine hoche la tête.]

En fait, nous avons la capacité de répondre à un besoin mondial urgent et croissant et d'utiliser la technologie et les compétences ainsi qu'une combinaison de nos capacités naturelles pour être en mesure de livrer une concurrence internationale considérable. C'est un aspect qui est vraiment critique à mon avis. L'autre, cependant, est selon moi dans l'économie des données. En fait, nous sommes en milieu de parcours, pour revenir aux points précédents concernant la réécriture des règles, qu'il s'agisse de la concurrence, de la propriété intellectuelle, de la vie privée ou de la protection des données. Je pense qu'il y aura des déterminations et une différenciation possibles dans l'économie future en fonction de qui comprendra bien la confiance.

Je crois qu'il y aura une économie qui ne se soucie pas de la confiance ou qui pourrait avoir fait des choix très clairs au sujet de l'accès, de la facilité, de la commodité et de l'interopérabilité plutôt que de la confiance. Je pense qu'on a une chance de pouvoir être l'autre côté de la médaille. Ensuite, les conditions dont nous avons besoin pour occuper ce terrain, puis le travail pour le développer à grande échelle. Puis, nous devons extraire la valeur, et assurer le maintien et la durabilité de cette valeur dans notre économie. C'est en fait l'un des aspects les plus épineux dans lequel nous avons toujours été mauvais. Il s'agit d'exploiter certains des ingrédients bruts incroyables qui nous procurent un avantage comparatif : compétences, accès aux ressources, excellente coopération et diversité dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Nous pourrions gaspiller cet avantage parce que nous n'avons pas fait les bons choix en arrière-plan, dont certains doivent être faits dès le départ, comme la PI, pour nous assurer d'arriver aux bons résultats.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Ce n'est pas une mauvaise réponse pour quelqu'un qui hésitait à se prononcer dans sa capacité officielle. Rohinton, qu'est-ce qu'un avantage comparatif et quels sont les avantages comparatifs du Canada?

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

Rohinton Medhora : Pour sauver du temps, je n'hésiterais pas à passer mon tour pour aller à la question suivante. Mark a dit ce que j'aurais dit. Laissez-moi passer, et nous pourrons y revenir.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Formidable. Nous avons eu beaucoup d'excellentes questions. Je pense qu'il nous en reste deux. Je vais garder la meilleure pour la fin. L'avant-dernière, la deuxième meilleure, assez près d'être la meilleure, est un peu hypothétique. Je vais paraphraser légèrement. Vous avez tous soulevé un grand nombre d'enjeux différents dans le monde et plusieurs choses différentes qui changent. Si le Canada parvient à bien faire dans seulement l'une de ces choses à l'avenir, quelle serait la plus importante pour nous?

Mark Schaan : J'ai le plaisir de commencer, et je reviendrai simplement à ce que je viens de dire, qui est la confiance.

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'il est d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada.]

En fait, parce que je pense que c'est effectivement au cœur de la relation employeur-employé. Je pense que c'est la relation entre les éléments de notre société. Je crois que c'est la relation entre le fournisseur de données et le collecteur de données. Si le Canada pouvait réellement trouver des mécanismes pour favoriser une approche coopérative où il y a une réelle optimisation des résultats partagés, je pense que nous nous rendrions vraiment service.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Si on regarde les indices de confiance partout dans le monde et au fil du temps, la confiance a affiché une érosion constante, et c'est mondial, qu'il s'agisse de faire confiance aux médias, aux sociétés, aux gouvernements ou aux religions. La confiance devient une denrée mondiale de plus en plus rare. Mark a touché un point sensible lorsqu'il dit que la confiance est une chose sur laquelle nous serions avisés de nous concentrer. Armine, quelles sont vos réflexions ici? La chose dont nous avons besoin pour aller de l'avant.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran. Un carton-titre violet apparaît momentanément, indiquant qu'elle est titulaire de la bourse de recherche Atkinson sur l'avenir des travailleurs.]

Armine Yalnizyan : Si nous ne voulons pas que notre qualité de vie diminue, nous devrons optimiser le potentiel d'apprentissage de chaque enfant dans ce pays, en veillant à ce qu'il soit prêt à apprendre lorsqu'il entre à l'école et en soutenant son apprentissage tout au long de son parcours éducatif. C'est tout.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : C'est plus que tout. C'est vraiment gros. Nous sommes tous ici parce qu'il y avait un système en place pour nous éduquer au fil des ans et pour stimuler nos curiosités et nos talents. Il est essentiel que nos établissements d'enseignement et les normes que nous avons en matière d'éducation aillent dans ce sens pour l'avenir. Rohinton, que considérez-vous comme la grande chose que nous devons bien faire pour aller de l'avant en tant que pays?

Rohinton Medhora : Mon 1a serait toujours le capital social, ce qui rejoint ce que Mark a dit, et absolument, les systèmes d'éducation.

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

Ma contribution à cette réponse serait de savoir comment exploiter les gains découlant des changements technologiques et des différents objectifs. C'est un peu hors-champ, mais je dirais, et j'ai utilisé l'exemple à l'une de vos conférences, que nous sommes fiers, de toute évidence, si on lit les communiqués de presse de certaines des institutions partenaires que vous avez mentionnées, Taki, d'être une puissance mondiale en IA, et certains d'entre nous s'interrogent à ce sujet. Si vous examinez les données sur les brevets, nous ne sommes nulle part dans le portrait. Si vous regardez les gens dont nous sommes fiers dans ce domaine, ils obtiennent des subventions de sociétés étrangères qui détiennent alors la PI. Je dirais oui au capital social et oui aux bons systèmes d'éducation publics et privés, mais en pouvant traduire cela en richesse et prospérité nationales. Par richesse et prospérité, je ne parle pas seulement de richesse économique, mais de réorienter tous ces grandes qualités canadiennes vers des choses qui nous aident effectivement à maintenir notre niveau de vie et notre façon d'être, une chose extrêmement importante. Je ne suis pas convaincu que nous faisons très bien cela en ce moment.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Notre dernière question en est toute une, et j'aimerais bien avoir la réponse à cette question, mais j'espère que vous, vous l'avez. Notre question est : comment les décideurs politiques peuvent-ils mieux régir les technologies émergentes? Quel est le rôle du gouvernement dans un espace numérique qui se moque largement des frontières? C'est un des enjeux de notre époque, historiquement. Pour paraphraser Vegas, ce qui se passait dans un pays restait dans ce pays. Maintenant, ce qui se passe dans un pays fait le tour du monde presque en temps réel, en nanosecondes. Quel est le rôle de l'État dans ces choses qui semblent défier la géographie? Elles semblent défier la souveraineté. Elles semblent défier les frontières. Qui veut commencer?

Rohinton Medhora : J'ai réfléchi à cela. Certainement pas autant que vous, Taki, parce que vous le vivez. J'ai quelques réflexions.

[La fenêtre vidéo de Rohinton remplit l'écran.]

D'abord, sur le rôle de l'État et ainsi de suite. L'État n'a jamais disparu, pour ainsi dire. Nous l'avons ratatiné pendant des décennies à force de répéter « le gouvernement est le problème, pas la solution », une pensée souvent encouragée par les groupes de réflexion. Nous ne nous sommes pas rendu service. Comprendre que chaque succès que nous observons autour de nous, et l'exemple le plus récent, évidemment, ce sont les vaccins. Ce sont des exemples de succès public-privé. Le partenariat public-privé est essentiel au bon fonctionnement des nouvelles technologies.

Les nouvelles technologies fonctionnent parce que les gouvernements investissent dans la recherche fondamentale. Elles fonctionnent parce que nous créons ensuite des engagements de marché anticipés et réduisons les risques associés à une grande part du potentiel commercial. Elles fonctionnent parce qu'on accélère les essais. Nous subventionnons, franchement, les investissements internes et de façon continue. Tout jeu technologique, et quelqu'un a mentionné le consensus de Cornwall et ainsi de suite. Il s'agit d'un contrepoint délibéré, même dans sa désignation inspirée du consensus de Bretton Woods, qui visait avant tout à faire fonctionner le marché et à contourner les entraves des États. Le consensus de Cornwall est un retour sain de ce pendule.

L'autre pensée qui me vient, et je crois que vous et moi en avons parlé de cela, est que je me demande souvent, je suis très fier de la tradition de la fonction publique de Westminster et des pays qui ont une fonction publique permanente isolée du côté politique. Je ne suis pas un grand partisan des systèmes des États-Unis et latino-américains, où il y a des changements importants dans les nominations de cadres supérieurs et même intermédiaires chaque fois qu'il y a un nouveau gouvernement. Quand il s'agit de nouvelles technologies, je pense qu'il y a deux corollaires qu'il faut garder en tête. Premièrement, avec une fonction publique permanente, où pouvons-nous trouver la capacité et les nouvelles idées? Si tout le monde se concentre tellement sur bâtir sa carrière et monter en grade jusqu'à l'âge de la retraite, comment pouvons-nous intégrer ces nouvelles idées essentielles pour comprendre les nouvelles technologies? Le deuxième élément est donc le suivant, comment pouvons-nous apporter de la diversité et, franchement, devoir parfois sauter des niveaux pour que ce ne soit pas un processus d'avancement strictement hiérarchique? Parce que lorsqu'il est question de nouvelles technologies, c'est un cliché. Si je ne sais pas comment utiliser ma télécommande. Je demande à mon petit-filleul de 12 ans. Il y a beaucoup de cela, et je pense que ce sont deux dimensions avec lesquelles les fonctions publiques devront composer de plus en plus.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : Vous êtes tombé pile sur l'une de mes grandes craintes. Comme vous l'avez mentionné, le système de Westminster comporte de nombreux avantages avec une fonction publique professionnelle. L'un des défis qui se posent de l'autre côté est qu'en tant que fonction publique, vous devenez un peu une organisation monastique où vous vous concentrez simplement sur l'intérieur. Vous entrez au monastère à 23/24/25 ans, et vous y êtes pour 30/35 ans. Vous partez à la fin, et vous vous dites, mon Dieu. Il y a beaucoup de choses différentes qui se passent dans le monde. Je n'avais rien remarqué. C'est l'un des défis de la fonction publique. Je ne dis pas qu'il s'agit de notre fonction publique, mais une fonction publique qui se contente de regarder vers l'intérieur et vers le bas, je pense qu'elle sera une fonction publique qui ne servira pas bien sa population. Mark, voulez-vous prendre le relais? Ensuite, nous donnerons le dernier mot à Armine.

[La fenêtre vidéo de Mark remplit l'écran.]

Mark Schaan : Bien sûr. Je vais être très bref. Pour revenir à certaines des choses dont vous avez parlé au début, je dirais que l'une des seules façons dont nous serons en mesure d'obtenir de bons résultats dans cet univers est de nous assurer de l'examiner sous tous les angles. La notion antérieure selon laquelle il y avait un aspect de sécurité nationale dans les nouvelles technologies, un aspect économique, un aspect de protection de la vie privée ou un aspect social, je pense en fait qu'il nous faut déterminer comment nous pouvons unifier toutes ces perspectives variées, parce que cela est extrêmement complexe et pourtant simple en même temps. C'est aussi omniprésent. Cette ubiquité signifie qu'il nous incombera de bien comprendre toutes les perspectives. La deuxième chose que je dirais est ceci, beaucoup de ces aspects sont en fait des questions fondamentales de gouvernance commune. C'est le problème initial de savoir qui va laver la voiture de location et qui va s'assurer que le jardin commun est bien désherbé. Cela signifie que nous devons nous assurer d'effectivement reconnaître tous ceux qui font partie de notre commune. Je m'inquiète de savoir qui sera laissé de côté lors de certaines de ces conversations et de savoir qui va réellement intervenir pour s'assurer que nous savons, je ne cesse de revenir là-dessus, désolé, ce pour quoi nous allons optimiser, parce que je crois qu'il y aura des compromis et que cela sera difficile. La vitesse n'est pas notre amie dans un sens ou dans l'autre, agir trop vite ou trop lentement. Demandez-moi une autre fois ce que cela signifie vraiment pour notre système de Westminster. Je dirais qu'il est probablement préférable d'avancer pas à pas, mais à un bon rythme.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : On veut à tout prix éviter la tragédie des biens communs. Armine, amenez-nous à destination. Quel est le dernier mot ici?

Armine Yalnizyan : C'est une excellente question, qui est historique.

[La fenêtre vidéo d'Armine remplit l'écran.]

Je me rappelle quand Rohinton a parlé de ce qu'il a appelé le consensus de Bretton Woods, mais je pense que la vanité du consensus formel renvoie au consensus de Washington en 1989. Il ne s'est jamais agi en fait d'un consensus écrit. C'est exactement ce qui s'est passé au FMI, à la Banque mondiale et à Washington. Tout le monde se demandait, après des décennies de débat d'après-guerre, le développement humain mène-t-il la croissance économique ou la croissance économique mène-t-elle le développement humain? Le consensus a émergé que la croissance économique est la principale priorité des gouvernements en matière de politique publique, et donc visons la médaille d'or. Ce débat se faisait en direct. Il incluait le monde entier. C'est pourquoi nous avons obtenu l'OMC. C'est pourquoi nous avons obtenu ce que l'on a défini comme le Sud mondial, qui disait, laissez-moi entrer. Moi aussi je veux de la croissance. Nous avons peut-être un tout nouveau consensus. Ce n'est peut-être qu'une bébelle pour les gens aux réunions du G7, mais je pense que c'est le chapitre qui n'est pas encore écrit. Cela me rappelle que dans les années 1930, nous sommes arrivés aux accords de Bretton Woods parce que nous avions traversé deux guerres mondiales et une dépression mondiale, et des villes et des communautés qui étaient responsables de prendre soin des gens qui étaient les laissés pour compte. Nous avons créé un État providence qui n'existait pas auparavant. Maintenant, nous sommes confrontés à la réalité que nous vivons sur une toute petite planète. L'idée d'avoir ces frontières nationales qui, d'une certaine façon, sont dépourvues de sens en raison de ces phénomènes qui chevauchent le globe et auxquels nous sommes confrontés n'est pas nouvelle pour quiconque traite du fédéralisme fiscal. Vous avez des soins de santé, est-ce une responsabilité fédérale? Est-ce une responsabilité provinciale? S'agit-il d'une responsabilité du service de santé? Les trois. Cochez toutes ces cases. Même chose avec l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous essayons de construire le système. Y a-t-il un système? Non, il n'y en a pas. Nous devrons chevaucher les différences entre les administrations et établir les normes dont nous parlions auparavant. C'est ce chapitre, mesdames et messieurs, qui n'est pas encore écrit. J'ai hâte de voir comment nous l'écrirons collectivement, pas seulement au Canada, mais partout dans le monde.

[Les quatre fenêtres vidéo reviennent à l'écran.]

Taki Sarantakis : J'adore conclure sur cette phrase, parce que le chapitre non écrit n'est pas seulement notre vie, mais aussi la fonction publique en tant qu'institution. C'est aussi le Canada pour l'avenir. C'est pour la suite des choses de notre monde. De nombreux chapitres restent encore à compléter. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour une heure et demie de conversation incroyablement stimulante qui nous aidera à rédiger ces chapitres et à nous y retrouver à mesure que nous progressons. Mark, Rohinton et Armine, merci vous deux, d'être des amis extérieurs de la fonction publique. Mark, merci d'être un ami de la fonction publique du Canada de l'intérieur. Je vous souhaite tout ce qu'il y a de mieux. Au nom de la fonction publique du Canada, je vous remercie.

Rohinton Medhora : Je vous remercie.

[Les panélistes hochent la tête. Mark et Rohinton font un petit signe de la main. L'appel vidéo disparaît et est remplacé par le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada, qui se dessine sur un fond violet. Les pages tournent, et le logo se ferme comme un livre. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre qui ressemble aussi à un drapeau, sous lequel se dessinent des lignes ondulées. Le mot-symbole « Gouvernement du Canada » apparaît : le mot « Canada » a un petit drapeau canadien qui flotte au-dessus du dernier « a ». L'écran devient noir.]

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